mercredi 20 juin 2007

Journalistes et démocratie (2)

Le film Pas vu Pas pris, sur la connivence cachée entre les médias et le pouvoir est en quelque sorte l´écho audiovisuel de ce que Serge Halimi exprime dans son livre Les Nouveaux Chiens de garde : les journalistes trouvent leur heure de gloire quand ils interviewent le Président de la République.

Il prend un exemple : 15 novembre 1995, annonce du plan Juppé. Il prévoit, pour redresser les comptes de la Sécurité Sociale, l’établissement d’une loi annuelle de la Sécurité Sociale qui fixe les objectifs de progression des dépenses maladies et envisage la mise en place de sanctions pour les médecins qui dépassent cet objectif. De plus, le plan Juppé prévoit une réforme des régimes spéciaux de retraite ainsi qu’une augmentation des annuités de cotisations des fonctionnaires de 37,5 à 40 années, ce qui provoque un vaste mouvement social.

« En novembre-décembre 1995, tout s’exprima à la fois : le soutien au pouvoir, l’arrogance de l’argent, le mépris du peuple, le pilonnage d’une pensée au service des possédants. Un grand sursaut populaire a aussi ceci d'utile : il révèle simultanément la puissance du conditionnement idéologique que les médias nous infligent et la possibilité d'y faire échec. Lors du mouvement de lutte contre le plan Juppé, la clameur quasiment unanime de nos grands éditorialistes[1] n'a en effet pas empêché des centaines de milliers de salariés de se mettre en grève, des millions de citoyens de manifester, une majorité de Français de les soutenir. Pourtant, s'il faut une occasion aussi considérable pour que se révèle crûment la loi d'airain de notre société du spectacle — à savoir le fait que la pluralité des voix et des titres n'induit nullement le pluralisme des commentaires — combien de petites violences la vérité et l'analyse subissent-elles quotidiennement dans le silence totalitaire de nos pensées engourdies ? »[2]



[1] Selon un sondage d'Ipsos-Opinion publié par Le Nouvel Observateur du 14 décembre, 60 % des médias ont jugé favorablement le plan Juppé contre 6 % seulement qui l'avaient apprécié de manière négative. Pierre Joxe, Françoise Giroud, Bernard-Henri Lévy, Jean Daniel, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, Raymond Barre, Alain Duhamel, Libération, Guillaume Durand, Alain Touraine, André Glucksmann, Claude Lefort, Gérard Carreyrou, Esprit, Guy Sorman ... tous approuvèrent un plan à la fois "courageux", "cohérent", "ambitieux", "novateur" et "pragmatique."

[2] Les Nouveaux chiens de garde, Serge Halimi

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