Le cœur de métier du marketing est de mener toutes les recherches possibles pour déterminer les besoins et attentes des consommateurs avant de lancer un produit ou de développer un service. Le marketing politique a les mêmes objectifs. Les présidents, américains notamment, ont largement fait appel aux sondages d’opinion pour orienter leur mandat. Les programmes puis les applications politiques sont d’abord testés sur des focus group puis des recherches marketing sont faites pour développer des tactiques, et des stratégies pour les faire apparaître sous leur angle le plus séducteur aux citoyens.
· Les sondages ont été introduits par George Gallup en 1932 alors qu’il travaillait chez Young & Rubicam. Il prédit, suite à une enquête, que sa belle-mère serait élue secrétaire d’Etat dans l’Iowa. Il venait d’inventer le sondage politique. Aujourd’hui, le sondage est devenu l’outil le plus important pour l’homme politique.
· Même si elle n’est pas utilisée en France, la publicité comparative est très courante aux Etats-Unis. Le principe est de montrer, dans un spot télévisé par exemple, les faiblesses du parti ou du candidat opposé. Parfois, le caractère même du candidat est attaqué. Cette méthode est très en vogue auprès des consultants parce que les électeurs se rappellent plus facilement un message négatif qu’un message positif[1]. On a vu, par exemple, dans les élections canadiennes de 1993, le « Progressive Conservative » parti se moquer ouvertement de la paralysie faciale du leader libéral Jean Chrétien dans ses publicités.
· L’envoi de courrier est également classique. Les candidats l’utilisent souvent pour annoncer leurs programmes ; de même, les élus s’en servent pour souhaiter leurs vœux en début d’année ou pour des occasions particulières. Mais cela peut aller encore plus loin : il existe des campagnes de courriers « fantômes ». Leur but est de ne pas se faire remarquer par les journalistes, le grand public et les adversaires. Cette pratique s’adresse aux principaux lobbies, aux donateurs généreux, aux personnes qui les aident à faire du phoning. Elle fut largement utilisée lors de la campagne présidentielle de 1980 même dans les derniers jours de la campagne. Ces courriers, parfois dans un langage grossier peuvent répandre des rumeurs auxquelles les candidats n’ont parfois pas le temps de répondre.
· Le focus group est une technique de recherche marketing spécifique que les entreprises utilisent depuis des années pour tester des nouveaux concepts de produits ou des techniques de publicité. Il s’agit de petits groupes de gens, entre 5 et 15, qui sont assis autour d’une table et qui répondent aux questions que le leader leur pose. Les participants sont choisis scrupuleusement pour ces séances, en général par téléphone, et sont rémunérés entre 30 et 150 €. Cette technique est utilisée en période électorale pour savoir ce que pense un segment précis de la population sur un thème donné.
· Une autre technique qui est devenue populaire est le « Push Poll ». Le principe est d’appeler plusieurs milliers d’électeurs et de les soumettre à un questionnaire dans lequel le candidat opposé est dénigré pour voir les réactions que peuvent avoir les gens et leur suggérer qu’un politique est peut-être différent que ce qu’ils pensent. Par exemple : « Si vous veniez à apprendre que le candidat X a trompé sa femme, avec qui il vit depuis 32 ans et dont il a quatre enfants, avec une femme de 19 ans alors qu’il était dans ses fonctions d’élus, seriez-vous prêt(e) à voter pour lui à nouveau ? ».
· Le télémarketing est également utilisé aux Etats-Unis pour les campagnes électorales. Cependant, avec la baisse du nombre de bénévoles, ces services téléphone sont généralement sous-traités par des entreprises privées. Les informations sont collectées dans des bases de données compatibles avec des logiciels de campagne qui traitent les informations et sortent des lignes directrices.
On peut noter qu’en France entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand a fait appel à cette technique. Son opération : « Cent coups de fils pour convaincre » avait pour but que des militants socialistes, munis d’argumentaire de campagne appellent 20 personnes en une heure pour les convaincre d’amener leur voix au candidat socialiste.
· Le Robo-calls est encore d’origine américaine. Les candidats, des célébrités ou des militants enregistrent des messages en aval de la campagne. Puis après une programmation de « robot » (téléphone automatique), le message est délivré à des particuliers avant la campagne. En général, le but est évidemment d’inciter les électeurs à aller voter pour le candidat, mais parfois, le but est juste de répondre à une attaque de l’adversaire. Les personnes contactées sont de manière générale ciblées, mais provoque parfois des surprises ; un manager de campagne canadien rapporte ces faits : avant une élection au Canada, 8 000 électeurs ont reçu cet appel personnalisé : « Bonjour, je suis le candidat X. Je suis désolé mais vous me manquez vraiment. Je veux vraiment que vous sachiez qu’il est très important d’aller voter. L’élection est demain et je compte vraiment sur votre soutien », pour un prix qui n’est vraiment pas prohibitif. Les retours furent du type : « C’est incroyable, le candidat X m’a appelé cette nuit ! Je le crois à peine ! »[2].
· La diffusion de numéros verts pour entrer en contact avec des militants et discuter avec eux sans avoir à payer le prix de la communication est une des autres méthodes utilisées avec le téléphone.
· On peut encore évoquer les recherches qui visent à trouver tout ce qui est possible sur un candidat adverse, coutume répandue aux Etats-Unis, où Grover Cleveland avait accusé Thomas Jefferson d’avoir des enfants illégitimes. Cette méthode existe donc depuis longtemps, c’est l’argument ad hominem que Schopenhauer place comme deuxième base de la dialectique (avec l’argument ad rem), dans son Art d’avoir toujours raison[3].
Les Américains appellent cela l’ « oppo », car le but est de faire opposition dans le but d’embarrasser le candidat. Ils n’hésitent pas à aller chercher des documents d’archive, des prises de position par rapport à des sujets polémiques (on a vu Arnold Schwarzenegger se faire rappeler une interview des années 70 où il disait consommer du cannabis), des rapports de service militaire (George W. Bush en fait les frais face à John Kerry qui a remis en cause son passé militaire), des financements politiques…
Aussi, il arrive que des candidats emploient des firmes ou des enquêteurs privés pour qu’elles leur fassent un audit personnel, sur leur passé, pour trouver des moments de vulnérabilité auxquels il serait bon de trouver une solution si jamais on les attaque à ce propos.
· Le Celebrity endorsement, consiste en marketing commercial à faire porter un produit par une célébrité pour qu’elle lui transfère ses qualités dans l’esprit des consommateurs (l’exemple des modèles qu’utilise l’Oréal est flagrant). Aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en France… les hommes politiques se font de même souvent soutenir par des personnalités. Les stars d’Hollywood sont les bienvenues pour des séances photos avec un candidat démocrate ou républicain.
· La pré-campagne, dont le but est de communiquer avec les électeurs bien en avance. Un principe que l’on retrouve dans le marketing du cinéma, qui annonce longtemps à l’avance la sortie d’un film événement et qui fait des campagnes de teasing avant même la sortie de la bande annonce. Le but est de préparer au mieux la campagne pour qu’une fois qu’elle soit véritablement lancée, les efforts préliminaires permettent d’en maximiser les effets. La campagne d’affichage de Jacques Chirac pour les élections de 1988 a eu une pré-campagne de teasing dès 1985.
· La campagne Internet est en train de se développer et permet aux électeurs de trouver à chaque instant les informations, films, programmes des candidats. Le media permet également de répondre par mails et de communiquer par newsletters. Les donations en ligne se sont largement développées, notamment avec la campagne Internet de George W. Bush de 2000.
· La manipulation de l’image n’est pas nouvelle. Dès 1860, Abraham Lincoln avait compris qu’il fallait se présenter le plus séduisant possible ; pour sa campagne, il se fit représenter plus jeune et avec un cou plus court. Aujourd’hui avec la technologie numérique, la modification d’une image est d’une simplicité incroyable. Des logiciels comme PaintShop ou PhotoShop permettent de retirer des gens des photos, d'en ajouter d’autres, de changer de lieu, de corriger les impuretés du visage… D’autres logiciels, un peu moins courant permettent de faire le même type de travail sur un support vidéo. Dès lors, on comprend qu’il est logique que les candidats apparaissent souvent avec des visages auxquels on a supprimé les défauts.
Dans une enquête pour Business Week[4], M. Landler remarquait en 1992 que 36% des personnes contactées pour un sondage refusaient de répondre, soit 12% de plus que 6 ans auparavant.
[1] Effectiveness of negative political advertising, R.R. Lau et L. Sigelman, dans Crowed Airwaves :Campaign advertising in elections, J. A. Thurber, Brookings institution press, 2000.
[2] Alex Marland, Political Marketing in modern Canadian federal elections, conférence pour l’Université de Dalhousie, 1er juin 2003.
[3] Schopenhauer, l’art d’avoir toujours raison.
[4] How are the polls ? We refuse to answer. M. Landler, Business Week 06/07/1992
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