jeudi 26 avril 2007

La politique des publicitaires

Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud et précurseur de la publicité américaine, regrettait en 1928 : « La politique n’a pas su adapter les méthodes du business en matière de distribution de masse des idées et des produits. »

En France, les professionnels de la communication commerciale se méfient de la politique, et en retour les politiques se sont longtemps méfiés et se méfient parfois encore de ces professionnels, qu´ils considèrent parfois comme des techniciens, qui transforment la politique en guidage d´opinion. Pour la campagne présidentielle de 1981, Jacques Chirac a changé trois fois de conseiller en communication.

Aujourd´hui, il est pourtant certain que la politique change et que le marketing y trouve une place de plus en plus large. La politique est de plus en plus proche du marché. Les leaders politiques se présentent de plus en plus comme des managers, des chefs d´équipe qui comportent des militants, des conseillers, des techniciens, parfois même une concurrence interne. L´objectif est d´atteindre une crédibilité suffisante, en utilisant les moyens les plus modernes. L´heure est au marketing politique et aux sondages.

Les hommes d'Etat français sont depuis les années 70 conseillés par des professionnels. Parmi les plus célèbres, on peut noter Claude Marti de TBWA qui fut engagé par Michel Rocard, puis François Mitterrand, Michel Bongrand qui exerça pour le PCF, Audour pour le PS, Elie Crespi pour le candidat Chirac, Jacques Séguéla que l'on a déjà cité, Jacques Pilhan qui conseilla Jacques Chirac après avoir conseillé François Mitterrand pendant plusieurs années. L´agence TBWA s´occupe en 2002 de la campagne de Noël Mamère pour les verts. Les dirigeants de EURORSCG & CO sont membres de l´AFCL (Association Française des Conseils en Lobbying, fondée en janvier 1991, qui regroupe les principaux conseils exerçant leur activité en France depuis deux années au moins). Jacques Séguéla est " Chief Creative Officer " et vice-président d´Havas. Frédéric Beigbeder (qui a exercé par le passé chez Young & Rubicam) a conseillé Robert Hue en 2002…

Tout a commencé en France avec Michel Bongrand en 1965, qui organise la campagne de Jean Lecanuet, « candidat du centre, démocrate, social et européen », avec les méthodes américaines. Il fait de son candidat une star d´Hollywood, avec un sourire à la Kennedy. L´affiche n´a rien à voir avec la fadeur de celle des autres concurrents. Les électeurs lui accordent près de 16% des voix alors qu´il n´était crédité que de 3% au début de sa campagne. Cette utilisation du marketing se banalisera par la suite, de Gaulle, puis Mitterrand y feront appel à leur tour. Cependant, on peut remarquer qu´en 1974, Valéry Giscard d´Estaing, pour réaliser au mieux une campagne américaine fait tout simplement appel à un américain : Joseph Napolitan, qui est par ailleurs avec Michel Bongrand le co-fondateur de l´International Association of Political Consultants (IAPC) à Paris in 1968. VGE fit attention à ce que la presse n´eut pas écho de ce conseiller en raison de son image d´atlantiste de l´époque : « Vous connaissez la sensibilité française. L’idée d’un Américain qui donnait des conseils n’aurait pas été très bien reçue à l’époque. Bien sûr, les choses ont changé. »[1]

Ce sont de véritables professionnels qui peuvent agir pour des partis différents tout comme ils peuvent travailler pour des marques commerciales différentes, ils n'ont rien de militants.



[1] Faiseurs d’élections made in USA, Serge Halimi, LE MONDE DIPLOMATIQUE, août 1999.

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