lundi 30 avril 2007

L’image émotionnelle en politique


Les campagnes préventives de l’INPES et de la Prévention Routière veulent faire peur aux téléspectateurs des risques qu’ils peuvent encourir ; quand un homme roule en famille et que sa fille s'écrase dans le pare brise pour ne pas avoir mis la ceinture, le marketing veut toucher la corde sensible de l’homme, lui montrer ce qu’il ne voudrait pas voir. De même, le candidat ne doit pas montrer qu’il a peur. Il doit rester maître de lui-même, être un chef fort, charismatique. Il peut montrer de la sensibilité, c’est même utile, mais il ne doit pas se montrer décontenancé parce qu’il a peur, ou qu’il n’a pas les épaules assez larges pour soutenir la responsabilité de son pays. Il doit se montrer affecté par la mort d’un homme qui a fait l’histoire, un artiste de génie, ou un événement majeur, mais il doit aussi savoir rester impassible devant des choses qui peuvent l’impressionner. Roger D. Masters[1] a étudié les réactions émotionnelles des gens face au comportement de politiciens et il fait remarquer que les expressions du visage qu’un candidat laisse voir ne laissent pas indifférents ceux qui le voient. On pourrait parler du principe d’empathie. Il prend un exemple qui a largement desservi un candidat : en 1988, Michael Dukakis s’assoie dans un tank de l’armée pour la campagne présidentielle. Une photo est prise, puis diffusée. Son visage exprime une profonde angoisse. Un leader qui a peur détruit son image. Selon ses recherches, la peur est communiqué si le regard est fixé par terre, s'il y a hésitation dans le discours, si les phrases sont commenceées trop vite ou juste s'il y a une impression d'être sur la défensive.

Les leaders efficaces savent conserver l’attention des auditeurs, et contrôler les émotions qu’ils transmettent et laissent transparaître.

Pour un citoyen, l’image d’un homme politique repose sur les impressions subjectives qu’il ressent en le voyant.



[1] Roger D. Masters. "Differences in Responses of Blacks and Whites to American Leaders.” Politics and the Life Sciences „ (Août 1994):

dimanche 29 avril 2007

Typologie du marketing politique

Petit à petit, le marketing politique est devenu plus que le partenaire d´une campagne électorale, il est devenu le partenaire permanent du politique, autant avant l´élection, qu´après la prise du pouvoir. D. David, J.M. Quintric et H.C.H Schroeder proposent dans Le Marketing Politique[1], une typologie qui montre la diversité des utilisations du marketing en politique :

  1. Le marketing de la circonscription : son but est de rationaliser le choix d´une circonscription pour une candidature éventuelle. Le but peut être d´être élu, de faire une candidature « témoignage » pour défendre une idée, ou de favoriser « l´enracinement » d´un homme politique nouveau pour une élection ultérieure.

  1. Le marketing du candidat : l´idée est d´adapter le discours, l´image et le programme du candidat avec son électorat potentiel, pour maximiser ses chances de succès.

  1. Le marketing des électeurs, vise à choisir les moyens de communication et de persuasion les mieux adaptés pour séduire les électeurs.

  1. Le marketing des militants, a pour but d´optimiser le recrutement de cette « force de vente », la former, la mobiliser.

  1. Le marketing des bailleurs de fonds, consiste à attirer des entreprises ou des donateurs à verser des soutiens de campagne.

  1. Le marketing des prescripteurs d´opinion, s´adresse aux leaders d´opinion – presse, célébrités,… - pour les séduire dans l´intérêt de profiter de leur soutien.

A la vue de l´ensemble des situations dans lesquelles le marketing politique trouve une application on comprend que son application ne se réduit pas à de simples élections. Il relève du quotidien, d´où l´appellation devenue usuelle de "campagne permanente". De plus, dans la mesure où la pratique du marketing politique est utilisée au moins par un parti, par un candidat, les autres se voient obligés de l´utiliser également, sans quoi leur potentiel électoral n´est pas optimisé.



[1] PUF, 1978.

samedi 28 avril 2007

Conseil en communication

Le conseil en communication politique s´est fait une véritable place dans le milieu du pouvoir et nombreux sont les conseillers qui sont célèbres et respectés : Jacques Séguéla[1], Lorrain de Saint Afrique[2], Claude Chirac, Jacques Pilhan... L'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin est lui-même un ancien chef de produit, devenu directeur d´un cabinet de conseil en communication[3]. Le marketing s´est fait une véritable place dans le paysage politique français. Quoi de plus normal, puisque le but du politique est de séduire ?

Dès lors la question se pose de savoir si la démocratie ne pâtit pas de ce vernis appliqué, de cette auréole faussée dont se bardent (se maquillent) les politiques ? Le marketing politique pourrait peut-être faire gagner n´importe quel escroc (qui est Nicolas Miguet ?), s´il suivait les règles et s´appliquait à séduire. Est-ce qu´il y a un bénéfice pour la société à avoir un président dont l´idéologie et les actions sont guidées par le marketing ? Le message politique s´évapore, l´on vient à se lasser de la citoyenneté et l´abstention ne cesse de croître. A l´opposé, le marketing politique est peut-être ce raffinement qui permet au politique de se montrer sous son meilleur jour. Il permet de le magnifier, et cela n´est qu´un bien, car les citoyens lui accordent plus de confiance et le regardent comme un responsable respectable. La croyance en l´autorité du chef représentatif est un élément positif dans la société.

Les interrogations sur les effets du marketing politique, ses bienfaits, ou peut-être ses conséquences néfastes sont aujourd´hui un débat fort alimenté dans la presse et la littérature politique. Il semble que le candidat à une élection soit contraint d´utiliser ses méthodes : dès sa première utilisation en 1952 par Eisenhower[4], le marketing politique a semblé favoriser largement le candidat, tant et si bien qu´en 1956, A. Stevenson, qui se représentait pour le parti démocrate et qui avait refusé de faire appel aux méthodes de communication commerciales en 1952, se résigna à faire appel à des professionnel de la communication. En Europe, d´abord la Grande-Bretagne en 1959, puis la Belgique en 1965 suivirent le modèle américain. En France, c´est à l´occasion du premier suffrage universel pour les élections présidentielles que le marketing politique fut utilisé pour la première fois. « Un inconnu nommé Lecanuet », comme titrait le Nouvel Observateur du 1er décembre 1965, crédité de 3% des intentions de votes, obtint près de 16% des suffrages exprimés alors que le Général de Gaulle, grand favori était mis en ballottage par François Mitterrand, comme le suggéraient les sondages. Les techniques du marketing montrent, comme aux Etats-Unis treize années plus tôt, des résultats qui semblent probants. Il semble en fait que les hommes politiques se sont soumis aux techniques du marketing politique dans la mesure où ils n´ont pu rester à l´écart des développements technologiques qui ont amené des nouvelles techniques de communication de masse. Présenter des programmes cohérents, et des qualités humaines et intellectuelles n´est plus suffisant quand les adversaires ont recours à des techniques de marketing pour valoriser leur image et conquérir l´électorat. Il faut, comme les adversaires, utiliser ces techniques de communication modernes, au risque d´être marginalisé de la campagne et d´avoir une image de candidat du passé. Les politiques se sont accommodés de ces méthodes, allant jusqu´à les considérer comme « un mal nécessaire pour la démocratie »[5], un brevet de modernité.



[1] Docteur en pharmacie, Jacques Séguéla fut reporter à 'Paris Match' et 'France Soir'. A l´age de 32 ans, avec Bernard Roux, Alain Cayzac et Jean-Michel Goudard il crée RSCG. On lui doit plus de 1500 campagnes publicitaires et 15 campagnes présidentielles (François Mitterrand, Lionel Jospin,…) Séguéla marque indubitablement le paysage publicitaire français. Vice-président d'Havas.

[2] Ancien conseiller en communication de Jean-Marie Le Pen

[3] Diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris, chef de produit pour les cafés Jacques Vabre, directeur général du cabinet-conseil Bernard Krief Communication.

[4] Il fit appel au cabinet de relations publiques BBDO et à un spécialiste du marketing commercial audiovisuel, pour réaliser une campagne qui comptait 49 spots publicitaires pour la télévision.

[5] Marketing et Communication politique, Serge Albouy, 1994, L´Harmattan.

Agenda setting

La presse d´information généraliste a, de manière générale, une influence politique. Les journalistes ont souvent une inspiration politique dans la rédaction de la rédaction des articles concernant les actions du gouvernement ou la politique étrangère.

Le principe d´ « agenda-setting » a fait couler beaucoup d´encre. L'hypothèse de base est la suivante : les médias exercent un effet considérable sur la formation de l'opinion publique, en attirant l'attention de l'audience sur des événements particuliers et en négligeant d'autres qui pourraient avoir un grand intérêt. Derrière cette thèse, se situe le constat que les informations sont tellement nombreuses que les médias ne peuvent accorder une attention équivalente à tout ce qui a lieu dans le monde. En conséquence, un choix s'impose. Les médias définissent ainsi le calendrier des événements et la hiérarchie des sujets. A l´heure actuelle, avec l´utilisation d´Internet, le flux d´informations est tellement grand que des informations sont totalement oubliées par les médias, car même si elles sont importantes, d´autres sont plus attrayantes pour les consommateurs. Cette pratique de structuration des événements revêt une importance considérable lors d'une élection par exemple.

Les inventeurs de ce terme, Mac Combs et Shaw[1] (1972) ont décrit ce phénomène à l´aide de l'affaire du Watergate. Selon eux, la fonction des médias n'est pas de dire aux gens ce qu'ils doivent penser mais sur quels thèmes ils doivent concentrer leur attention. Pour eux, il existe une relation entre l'ordre hiérarchique des événements présentés par les grands médias et la hiérarchie de signification attachée à ces problèmes de la part du public et des hommes politiques.

Il apparaît d'après ce modèle que la perception du public, par rapport à l'événement est fonction de la place que lui accordent les médias. Les informations négligées par les médias, si elles ne reçoivent pas plus d'attention dans l'avenir sont vite oubliées.

En déterminant l'agenda politique (« agenda-setting »), la presse ne dit pas aux gens ce qu'il faut penser mais à quoi il faut penser.



[1] The agenda setting , Mc Combs et Shaw, 1972

vendredi 27 avril 2007

Roosevelt debout

Dès les années 30, Franklin D. Roosevelt a véritablement utilisé le travail de son image pour les élections américaines. Il a utilisé les moyens de l’époque pour montrer qu’il était un dirigeant fort. Bien que les Américains sachent qu’il était atteint de la polio, nombreux furent ceux qui ne savaient pas qu’il était dans une chaise roulante. Dans sa maison d’été, à New York, il y a plus de 50 000 photos de lui, seulement deux le présentent dans un fauteuil. Pendant toute sa première campagne, tous les efforts furent faits pour que l’on pense qu’il pouvait se déplacer normalement. Il fit même une photo où il se tient sur ses jambes, appuyé sur le bras de son fils et sur une cane. Il était physiquement incapable de marcher, même quelques mètres. Il couvrait ses jambes de longs pantalons noirs qui descendaient jusque ses chaussures. Après la conférence de Yalta, il fit un discours au congrès et resta assis. C’était la première fois. Jusqu’alors, il avait toujours utilisait dix pounds de métal pour supporter son poids à la verticale. Les services secrets de l’époque installaient une rampe pour chacune de ses apparitions en public, pour qu’il puisse se rendre de sa voiture au podium.

Toutes ces précautions sont certes bien peu de choses par rapport à ce qui se fait aujourd’hui pour une émission en direct avec une personnalité politique. Mais cela suffit amplement à dire que le travail sur l’image du candidat n’est pas quelque chose de nouveau.

Roosevelt avait également des relations terribles avec sa femme, qu’il semblait tromper avec sa secrétaire. Eleanor Roosevelt trouva même des lettres d’amour alors que son mari rentrait de voyage ; leur relation souffrit beaucoup, mais encore une fois, ces secrets furent bien gardés à l’époque, et l’opinion publique n’en eut pas écho. Cependant, sa femme l’aida, se faisant auditrice de l’opinion publique et porteuse des idées de la politique du New Deal de son mari. Elle le conseilla sur l’opinion des gens, comme un ersatz de sondages, qui n’étaient pas encore utilisés.

Et aujourd’hui, ce que l’on retient de Roosevelt, c’est un communicateur de génie qui a su avec ses « causeries au coin du feu »[1] rentrer dans les salons des américains pour expliquer où il veut aller, rassurer ses citoyens.



[1] Emissions de radio qu´il a commencées une semaine après son arrivée au pouvoir.

jeudi 26 avril 2007

L´image de Jean-Marie

Les politiques s´entourent toujours de conseillers qui leur donnent un avis sur les idées, les tenus vestimentaires, les attitudes à employer, les petites phrases à placer…

Jean-Marie Le Pen fait disparaître le bandeau sur l´œil qu´il a longtemps porté pour se donner une image moins marginale. Trois mois avant l´élection présidentielle de 1988, il change son apparence, arrête de porter des costumes bon marché. Il revient de Suisse – du Mirador, où il vient de faire un séjour de remise en forme : cheveux en arrière, casquette anglaise, veste à carreaux, le teint frais. Il semble qu´il ait suivi un conseil de celle qui deviendra sa seconde femme[1]. « Régime, sport, piqûres, cellules fraîches, traitements spéciaux, il paraît quinze ans de moins. »[2] Lorrain de Saint Afrique explique la transformation comme une volonté de paraître plus jeune et de se dissocier des images d´archives qui n´ont plus rien à voir avec la campagne présidentielle qui s´annonce. C´est à cette époque qu´il arrête de lire ses textes et qu´il commence à déambuler sur la scène avec un micro-cravate, il se transforme en ce show-man que l´on connaît aujourd´hui.



[1] Jeanne-Marie Paschos, dite Jany, mondaine habituée de la jet-set, née d'un père d'origine grecque marchand de tableaux, flambeur, et d'une mère hollando-bretonne protestante.

[2] Dans l´ombre de Le Pen, Lorrain de Saint Afrique.

La politique des publicitaires

Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud et précurseur de la publicité américaine, regrettait en 1928 : « La politique n’a pas su adapter les méthodes du business en matière de distribution de masse des idées et des produits. »

En France, les professionnels de la communication commerciale se méfient de la politique, et en retour les politiques se sont longtemps méfiés et se méfient parfois encore de ces professionnels, qu´ils considèrent parfois comme des techniciens, qui transforment la politique en guidage d´opinion. Pour la campagne présidentielle de 1981, Jacques Chirac a changé trois fois de conseiller en communication.

Aujourd´hui, il est pourtant certain que la politique change et que le marketing y trouve une place de plus en plus large. La politique est de plus en plus proche du marché. Les leaders politiques se présentent de plus en plus comme des managers, des chefs d´équipe qui comportent des militants, des conseillers, des techniciens, parfois même une concurrence interne. L´objectif est d´atteindre une crédibilité suffisante, en utilisant les moyens les plus modernes. L´heure est au marketing politique et aux sondages.

Les hommes d'Etat français sont depuis les années 70 conseillés par des professionnels. Parmi les plus célèbres, on peut noter Claude Marti de TBWA qui fut engagé par Michel Rocard, puis François Mitterrand, Michel Bongrand qui exerça pour le PCF, Audour pour le PS, Elie Crespi pour le candidat Chirac, Jacques Séguéla que l'on a déjà cité, Jacques Pilhan qui conseilla Jacques Chirac après avoir conseillé François Mitterrand pendant plusieurs années. L´agence TBWA s´occupe en 2002 de la campagne de Noël Mamère pour les verts. Les dirigeants de EURORSCG & CO sont membres de l´AFCL (Association Française des Conseils en Lobbying, fondée en janvier 1991, qui regroupe les principaux conseils exerçant leur activité en France depuis deux années au moins). Jacques Séguéla est " Chief Creative Officer " et vice-président d´Havas. Frédéric Beigbeder (qui a exercé par le passé chez Young & Rubicam) a conseillé Robert Hue en 2002…

Tout a commencé en France avec Michel Bongrand en 1965, qui organise la campagne de Jean Lecanuet, « candidat du centre, démocrate, social et européen », avec les méthodes américaines. Il fait de son candidat une star d´Hollywood, avec un sourire à la Kennedy. L´affiche n´a rien à voir avec la fadeur de celle des autres concurrents. Les électeurs lui accordent près de 16% des voix alors qu´il n´était crédité que de 3% au début de sa campagne. Cette utilisation du marketing se banalisera par la suite, de Gaulle, puis Mitterrand y feront appel à leur tour. Cependant, on peut remarquer qu´en 1974, Valéry Giscard d´Estaing, pour réaliser au mieux une campagne américaine fait tout simplement appel à un américain : Joseph Napolitan, qui est par ailleurs avec Michel Bongrand le co-fondateur de l´International Association of Political Consultants (IAPC) à Paris in 1968. VGE fit attention à ce que la presse n´eut pas écho de ce conseiller en raison de son image d´atlantiste de l´époque : « Vous connaissez la sensibilité française. L’idée d’un Américain qui donnait des conseils n’aurait pas été très bien reçue à l’époque. Bien sûr, les choses ont changé. »[1]

Ce sont de véritables professionnels qui peuvent agir pour des partis différents tout comme ils peuvent travailler pour des marques commerciales différentes, ils n'ont rien de militants.



[1] Faiseurs d’élections made in USA, Serge Halimi, LE MONDE DIPLOMATIQUE, août 1999.

La spirale du silence


Il s´agit d´un modèle, que son auteur[1] a largement testé. Il s'intéresse au processus de formation de l'opinion publique. Son auteur suggère qu´il y a une relation entre communication de masse, communication inter-individuelle et la propre perception de l'individu par rapport aux opinions des autres personnes de la société.

L´élément fondateur de cette théorie est que les individus redoutent l'isolement social. Aussi, pour l'éviter, ils expriment les opinions qu'ils considèrent comme admises par la majorité. En même temps, ils censurent celles qu'ils sentent impopulaires. Ce comportement va donc renforcer l'opinion de la majorité, et mener à la suppression de la minorité, créant ainsi une spirale du silence.

La perception des autres, toutefois, n'est qu'un facteur dans ce processus plus complexe. Selon Elisabeth Noëlle-Neumann, les médias ont leur part de responsabilité dans ce processus, car ce qui devient l'opinion dominante est souvent suggéré par les médias.

On peut reprendre, pour montrer cela, une remarque simple d´Alfred Sauvy : « Au bistrot, une personne seule commandera peut-être un thé. Mais en groupe, tout le monde prendra une bière. L´interaction sociale aboutit à une décision collective. »


[1] Die Schweigespirale, Elisabet Noëlle-Neumann, Öffentliche Meinung - unsere soziale Haut, Munich, Piper 1980.

mercredi 25 avril 2007

Mass Media

"La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures" (Chomsky).

La vision du monde que nous présentent les medias est efficace si elle amène les hommes à se conformer aux modèles de conduite qu'elle valorise, elle se présente comme une entité complète qui se suffit à elle-même, on doit l´accepter en bloc, ou la rejeter. En refusant cette idéologie dominante, on se condamne à traiter l'expérience de toute l'humanité comme insensée.

Voilà par exemple comment un informaticien spécialiste de la miniaturisation considère les effets de l'avancée technologique en 1987 :

François Mizzi : « [...] tous ces appareils vont simplifier notre vie et nous donner plus de liberté en élaguant une partie de nos tâches intellectuelles répétitives. Que va-t-on faire de cette liberté ? Certains vont bien en vivre, mais d'autres vont continuer à développer la puissance de ces appareils et cela finit par être dangereux »

La publicité politique est interdite à la télévision française depuis 1988. Avant des élections, des clips vidéo sont diffusés à la suite les uns des autres et présentent les hommes politiques dans un format très formalisé.

Aux Etats-Unis, la publicité est autorisée à la télévision. Elle est même le principal poste de dépense puisqu’elle représente neuf dixième de l’argent des campagnes. Le premier spot publicitaire date de 1952, pour la candidature d’Eisenhower. Aujourd’hui, le format tend à être en moyenne d’une trentaine de secondes, comme les spots commerciaux, alors qu’auparavant, ils pouvaient durer plusieurs minutes (notamment les spots de John F. Kennedy). Du point de vue du message, ils sont de deux natures : soit ils ont pour but d’être élogieux pour le candidat (le montrer comme un bon père de famille avec femme et enfants…), soit ils visent à dénigrer l’adversaire (George Bush utilisa largement ce principe contre Dukakis en 1988).

Ces investissements se justifient par le fait que dès 1988, 99% des Américains avaient une télévision, la moitié d’entre eux en avaient plusieurs chez eux et leur consommation quotidienne était supérieure à trois heures.

La radio était écoutée par 96% des Américains en 1988, ce qui en fait également un media majeur pour la communication politique, d’autant plus que les prix sont largement inférieurs lors de l’achat d’un espace publicitaire.

Il est important de remarquer que la télévision est le media qui obtient les meilleurs résultats de mémorisation (hors cinéma), bien supérieur à la radio et à la presse.

Les espaces médias sont vendus comme pour des annonces commerciales. Les plans medias sont construits et optimisés par les méthodes classiques du médiaplanning : le but est que la plus grande partie de la population (principe de « couverture ») de la cible soit confrontée au spot publicitaire, et que chaque personne l’entende le plus de fois possible (principe de la « répétition »). Le principe est exactement le même que celui de la publicité commerciale : la plus grande partie possible de la cible doit entendre le message plusieurs fois pour le mémoriser au mieux. A force de répéter que les chaussures Nike sont de très bonne qualité, on finit par le croire et on oublie qu’elles sont fabriquées dans des conditions déplorables. Les politiques américains utilisent cette expérience pour vendre leur image la meilleure.

La France est le modèle opposé des Etats-Unis et tient à conserver une législation très restrictive sur la publicité politique. Est-ce là une perception différente de la démocratie ?

Dans le code électoral français, la publicité politique porte le nom de « propagande politique », c’est sans doute un élément de réponse.

Cependant, depuis le 1er janvier 2004, la presse écrite est autorisée à faire de la publicité à la télévision. Comme il est courant de voir un homme politique en couverture de journaux ou de magazines, on pourrait bien retrouver de écrans publicitaires montrant un politique… ne serait-ce pas la une forme détournée de publicité ?

Le poltique est un produit

Les objectifs sont souvent corrigés selon des sondages, de même que les programmes. Quant à l´influence, elle vient aujourd´hui autant de la personne qui s´exprime, que de ses vêtements, son charisme, sa sympathie, sa proximité… que du message ou du mouvement politique. Les moindres détails sont observés. Cependant, les méthodes utilisées, sont basées sur les principes de la publicité commerciale. Une expérience de media planeur m´a rapidement montré les objectifs de la publicité via le media : les personnes d´une cible visée doivent entendre un message donné un plus grand nombre fois. Et si l´on peut faire apparaître la publicité sur plusieurs medias différents, pour que le produit accompagne la cible tout au long de la journée, alors, on a construit un plan media efficace. Le citoyen comme cible, le candidat comme produit, la publicité comme promotion et le vote comme prix… Tout semble si différent, mais les techniques sont parfois si proches. Pour Jean-Marie Cotteret, Gouverner c´est paraître[1], les hommes politiques qui ont le plus de légitimité, d´autorité, sont ceux qui sont les plus apparents. La maîtrise de la télévision est devenue indispensable, les discours se vident et l´unique but est le triomphe dans le sondage en vue des échéances électorales.

L´information s´appauvrit et les journalistes deviennent eux-mêmes sujets d´interrogation. "Des médias de plus en plus présents, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus médiocre", clame Serge Halimi[2], qui condamne ce "journalisme de révérence", les "réseaux de connivence" et la "pensée de marché" des médias français. Les politiques sont même contents d´apparaître dans les émissions satyriques : Les Guignols de l´info, Le vrai Journal,… et se font inviter sur les plateaux d´émissions de variétés : Tout le monde en parle, On ne peut pas plaire à tout le monde,… L´apparition médiatique doit être entretenue et régulière. Celui qui ne passe pas dans l´actualité recherche une émission de divertissement pour continuer d´apparaître.



[1] Gouverner c'est paraître, Jean-Marie Cotteret, Quadrige, février 2002.

[2] Les Nouveaux Chiens de garde, Serge Halimi, Raisons d'agir, novembre 1997.

Marketing politique

« En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai. »

Talleyrand

Les origines du marketing politique sont discutées. Certains voient dans la campagne d´Egypte de Bonaparte, conseillée par Talleyrand, ministre des Relations extérieures, un des premiers germes, alors que d´autres préfèrent évoquer Joseph Goebbels, les films de Leni Riefenstahl, les slogans nazis et l´intoxication cérébrale du troisième Reich. Il s´agit là de propagande, certes, mais le débat sur la terminologie reste complexe. Le marketing politique moderne, occidental, élaboré par des professionnels de la publicité est un produit d´origine américaine. Depuis 1952 et la campagne présidentielle de Dwight D. Eisenhower, les publicitaires et les professionnels des relations publiques sont entrés dans le jeu de la politique. Après cette date, et le succès du candidat républicain, l´utilisation des techniques de marketing, qui étaient auparavant utilisées pour les produits de consommation, va largement se répandre à toutes les élections.

A chaque développement technologique dans le domaine des médias, le marketing politique a trouvé un nouvel outil pour amplifier sa communication persuasive. Pendant l´entre deux guerres, les politiciens ont appris à se servir habilement de la radio, pour diffuser leur message, Hitler en est un exemple, puis à partir des années 60 et John F. Kennedy, la télévision devient l´élément majeur de la communication politique ; le Général de Gaulle, en France, chercha à améliorer l’utilisation de ce media. Aujourd´hui, Internet est au cœur de nombreux ouvrages traitant du marketing politique[1].

Si l´on devait donner une définition pragmatique du marketing politique, on pourrait utiliser celle de Luc Dupont : « Ensemble de méthodes dont peuvent faire usage les organismes politiques pour définir leurs objectifs, leurs programmes et pour influencer le comportement des électeurs »[2]. Il est clair que les médias ont un rôle majeur dans le marketing politique, mais ils sont loin d´être le seul outil. Ils sont une méthode.



[1] -Electronic Democracy: Using the Internet to Transform American Politics, Graeme Browning, par exemple.

[2] Luc Dupont, professeur à l´université d´Ottawa, conférencier.